Contrat administratif et personne privée
(tous les arrêts cités dans la séance n°16 sont soulignés en pointillés)
Un contrat conclu en l'absence de personne publique pourra être administratif si l'une des deux personnes privées cocontractantes représente une personne publique
En principe
, un contrat souscrit entre deux personnes privées ne peut être administratif: arrêt Conseil d'Etat, Syndicat des praticiens de l'art dentaire du département du Nord et sieur Merlin, 13.12.1963 et Conseil d'Etat, Centre d'études marines avancées et Cousteau, 7.12.1984.
Il faut rappeler cependant que le critère organique disparaît en matière d’acte administratif unilatéral pris par des organismes de droit privé.
- Dans le cadre d'un contrat conclu pour le compte d'une personne publique
[en l’absence de mandat] eu égard à une opération par nature de droit public
Cette hypothèse ne joue pas si la personne privée a agi librement : Tribunal des conflits, Centre d’action pharmaceutique, 10.01.1983
- Les opérations par nature de droit public:
a. Travaux routiers: contrats conclus entre concessionnaires d’autoroutes et entrepreneurs, personnes privées :
- Pour la construction des routes:
Tribunal des conflits, société Entreprise Peyrot, 8.7.63 : " Considérant que la construction des routes nationales a le caractère de travaux publics et appartient par nature à l’Etat "
Pour l'exploitation des routes: Tribunal des conflits, SEM du tunnel de Sainte-Marie aux Mines, 12.11.1984
b. Autres activités : construction centrale nucléaire : Tribunal des conflits, Société Wanner Isofi Isolation et Société Nersa, 10.5.93.
2. Les opérations rejetées: contrats d'interventionnisme économique entre deux personnes privées: Tribunal des conflits, Société Interlait, 3.3.1969, et même si un tel contrat a le même objet (régularisation de marchés) qu'un contrat - administratif - conclu entre deux personnes publiques: Tribunal des conflits, Société distillerie bretonne contre FORMA, 24.6.68.
B. Dans le cadre d'un mandat explicite (et si le critère matériel est rempli: cf. infra. II):
Mandat de type civil: " La personne morale de droit privé qui a traité avec un particulier a agi au nom et pour le compte d'une personne publique dans le cadre d'un mandat explicite" (Bruno Genevois sur Tribunal des conflits, SEM du tunnel de Sainte-Marie aux Mines, 12.11.1984) Conseil d'Etat, Leduc, 12.6.61, p. 366.
Mandat de type administratif: les marchés passés par des concessionnaires de SP agissant non pour leur propre compte mais pour le compte (en vertu d'une clause contractuelle) des collectivités concédantes sont administratifs: Conseil d'Etat, Dame Culard, 18.6.76. Au regard de la nature des relations contractuelles étroites entre une personne privée partie au contrat et une personne publique : accord de subventions, substitution de plein droit de la personne publique à la société pour toute action en responsabilité décennale : Conseil d'Etat, 30.5.1975, société d’équipement de la région montpelliéraine: marchés passés pour la réalisation de voies publiques; Tribunal des conflits, Commune d’Agde, 7.7.1975: la société concessionnaire est autorisée à recevoir directement prêts et subventions accordées [normalement] aux collectivités publiques: réseau d'assainissement d'eau.
Dans ces deux hypothèses de mandat explicite, le contrat sera administratif s'il vérifie aussi le critère matériel.
II. Un contrat conclu entre une personne publique et une personne privée (ou entre deux personnes privées mandataires d'une personne publique: I.B. supra.) sera administratif si le contrat porte sur une matière de nature administrative
Les deux critères suivants sont alternatifs:
Le contrat est administratif à raison de son objet
1. Par consécration de la loi (pour les contrats admi. par détermination de la loi: cf. loi 28 pluviose an VIII, art. 4
les contrats relatifs à l'exécution des travaux publics: loi du 28 pluviose an VIII, art. 4.
Les contrats comportant occupation du domaine public: décret-loi du 17.6.1938, art. L84 du Code domaine de l’Etat.
2. Par application de critères jurisprudentiels:
a. Le cocontractant se voit confier l'exécution même d'un service public
- Le contrat de délégation de service public: Conseil d'Etat, Thérond, 4.3.1910: ramassage des chiens errants, service public d'hygiène et sécurité publiques; Conseil d'Etat, époux Bertin, 20.4.1956, contrat (verbal) permettant le rapatriement des ressortissants soviétiques présents en France en 1945 et leur hébergement avant leur retour
- Le contrat d'engagement de personnels employés dans les SPA: Tribunal des conflits, Berkani, 25.3.1996 : les personnels statutaires travaillant pour le compte d’un SPA sont des agents contractuels de droit publics, quel que soit leur emploi. Revient sur Conseil d'Etat, Affortit et Vingtain, 4.6.1954 qui distinguait les tâches spécifiques de service public qui relevaient du droit public: Tribunal des conflits, Dame Veuve Mazerand, 25.11.1963: activité de garde d'enfants et les fonctions annexes au service public qui relevaient du droit privé: même décision: activité de ménage;
b. Le contrat constitue une modalité d'exécution du service public
- Conseil d'Etat, 20.4.1956, Grimouard
: modalité d'exécution du service public de reboisement
- Tribunal des conflits, 24.6.1968, Société distillerie bretonne / FORMA, modalité d'exécution du service public de régularisation
B. Le contrat est administratif à raison d'éléments exorbitants du droit commun
1. Le contrat est administratif en présence de clause exorbitante de droit commun:
Conseil d'Etat, Société des granits porphyroïdes des Vosges, 31.7.1912.
Les critères de la clause exorbitante :
- Clause n'existant pas en droit privé: clause impossible (exonération fiscale : Tribunal des conflits, Cazautets, 1962); clause illicite: article 1174 du code civil: Tribunal des conflits, 20.4.59, Société nouvelle d’exploitation des plages (condition potestative)
- Clause autoritaire : prérogative de puissance publique:
Tribunal des conflits, 7.7.1980, Soc. d’exploitation touristique de la Haute-Maurienne: horaires d'ouverture imposés, droit de regard sur le choix du personnel, rédaction d'un bilan d'exploitation, prix fixés par le syndicat intercommunal
b. L’exception : les contrats conclus entre les SPIC et leurs usagers sont toujours de droit privé, même en présence de clauses exorbitantes (bloc de compétences) : Conseil d'Etat, Companon-Rey, 13.10.1961.
2. Le contrat est administratif en présence d'un régime exorbitant de droit commun
Conseil d'Etat, société Rivière du Sant, 19.01.1973, contrat EDF et petits producteurs d'électricité. Un décret du 20.2.1955 fixait le régime antérieur: EDF est obligée de racheter l'énergie produite parlementarisme les petits producteurs.
Tribunal des conflits, 24.4.1978, Boulangeries de Kourou: en l’absence de régime exorbitant du droit commun (et d’exécution du service public confié au CNES) : contrat de droit privé, compétence judiciaire.