la répartition du pouvoir réglementaire

entre le Président de la République et le Premier ministre:

lA jurisprudence DU Conseil d'Etat

 

Arrêts Syndicat national des élèves conseillers au travail et à la législation sociale, p.276 et Sicard, p. 279 en date du 27 avril 1962:

" Le fait pour le Président de la République de signer des décrets de nature réglementaire qui n’ont pas été soumis au Conseil des ministres ne peut lui donner compétence pour prendre ces actes (ou les modifier) dans la mesure où le Président de la République n’exerce le pouvoir réglementaire qu’à l’égard des décrets délibérés en Conseil des ministres, mais sa signature n’entache pas pour autant ces décrets d’incompétence dès lors que le Premier ministre a été également appelé à les signer. Ces décrets sont toujours considérés comme émanant du Premier ministre en vertu de l’article 21 de la Constitution et sont de ce fait soumis aux règles de contreseing de l’article 22 de la Constitution. La signature est dépourvue de portée juridique, elle est surabondante, superflue, superfétatoire.

 

 

En quoi l’arrêt Ministère de la Défense / Collas, rendu par la section du Contentieux du Conseil d’Etat le 9 septembre 1996, tempère-t-il la portée de l’arrêt Meyet rendu par la même section le 10 septembre 1992 ?

La portée de l'arrêt Meyet rendu le 10.09.92 par le Conseil d'Etat fut critiquée en ce qu'elle ouvre au Président de la République la faculté illimitée d'élargir le champ des matières entrant dans sa compétence réglementaire d'attribution (article 13 de la Constitution), dès lors qu'il provoque l'inscription d'un projet de décret à l'ordre du jour du Conseil des ministres. En effet, tout décret délibéré en Conseil des ministres est considéré depuis cet arrêt - revenant sur la solution posée dans l'arrêt Syndicat autonome des enseignants de médecine et autres du 16 octobre 1987, p.311 (selon lequel un décret délibéré en Conseil des ministres et signé par le Président de la République alors qu’aucun texte n’imposait cette délibération, ressortissait à la compétence du Premier ministre) - comme un décret du Président de la République. En conséquence, seul un décret du Président de la République peut modifier ou abroger un décret délibéré en Conseil des ministres, ce qui réduit d'autant le pouvoir réglementaire du Premier ministre, pourtant de droit commun (article 21 de la Constitution). Cette situation pouvant être source de conflits politiques en période de cohabitation.

L'arrêt Collas rendu le 9.9.96 par le Conseil d'Etat tempère la portée de l'arrêt Meyet en permettant au Premier ministre de modifier ponctuellement ou substantiellement, voire d'abroger un décret pris en Conseil des ministres dès lors que par ailleurs, un décret du Président de la République (pris en Conseil des ministres) l'autorise expressément à exercer son propre pouvoir réglementaire. L'élargissement de la compétence réglementaire du Président de la République que l'on croyait laissée à sa seule discrétion (1992) n'est pas irréversible(1996). Si un décret délibéré en Conseil des ministres prévoit la possibilité de modifier un décret du Président de la République par un décret du Premier ministre, ce dernier réinvestit son champ de compétence réglementaire. Mais le principe de l'arrêt Meyet demeure, car même dans l'hypothèse Collas, la réattribution de compétence au profit du Premier ministre dépend d'un décret délibéré en Conseil des ministres, donc toujours de la volonté du Chef de l'Etat …

 

POUR ALLER PLUS LOIN …

Pour l’arrêt Collas, cf. Dalloz 1997, Jurisprudence, p. 129, note Olivier Gohin, sous l’arrêt Collas du 9.9.96

cf. aussi Dalloz 1993, Jurisprudence, p. 293, note du même auteur sous l’arrêt Meyet du 10.9.92

Et sur le même arrêt: AJDA, 1992, p. 643, note Maugüé et Schwartz, maîtres des requêtes au Conseil d'Etat.