Le Conseil d’Etat, avant et depuis 1872
Introduction: (Le titre du sujet fait allusion à l’ouvrage de Léon Aucoc, Le Conseil d’Etat, avant et depuis 1789, ses transformations, ses travaux, et son personnel, 1876, auteur des Conférences sur l’administration et le droit administratif, 1869.) - Le Conseil d’Etat avant l’an VIII (Lois des 6-11 septembre et 7-14 octobre 1790) - Puis art. 52 de la Constitution de l’an VIII : " Sous la direction des consuls, un Conseil d’Etat est chargé de rédiger les projets de loi et les règlements d’administration publique, et de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative " - Loi du 5 nivôse an VIII " affaires contentieuses dont la décision était précédemment remise aux ministres ". Les décrets des 11 juin (Commission du Contentieux) et 22 juillet 1806 (procédure, délai, effet non suspensif)
I. Le Conseil d'Etat, conseiller de l’exécutif avant comme depuis 1872
A. Des attributions consultatives
1. Consultation obligatoire pour les projets de lois, d’ordonnances, de décrets si la loi le précise et également pour mesures individuelles (expropriations, reconnaissance d’association d’utilité publique) et rédaction des projets de lois sous le Premier Empire.
2. Consultation facultative: Conseil juridique du Gouvernement ; la Section du rapport et des études (d. 24.1.1985); EDCE puis Rapports annuels.
B. Des attributions contentieuses
1. La séparation des autorités administratives et judiciaires s’oppose à la compétence du juge judiciaire en matière administrative
a. Origine: Edits de Saint-Germain, de Fontainebleau ; arrêts de règlements pris par les parlements de l’Ancien Régime. (cf. Texte de Tocqueville)
b. Les articles 10 (Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif, sanctionnés par le roi, à peine de forfaiture) et 13 (Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions) de la loi des 16-24 août 1790, décret 16 fructidor an III (2 septembre 1795) (alinéa 2 : Défenses itératives sont faîtes aux tribunaux de connaître des actes d’administration de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit, sauf aux réclamants à se pourvoir devant le comité des finances pour leur être fait droit, s’il y a lieu, en exécution des lois, et notamment de celle du 13 frimaire dernier)
2. La théorie de l’administrateur-juge
a. Le fondement de la théorie : " juger c’est encore administrer ", conforme à article 16 DDHC; le ministre est investi d’une juridiction de droit commun en matière de contentieux administratif : Conseil d'Etat, 11.8.1866, Eglise réformée de Paris.
b. Les limites de la théorie :
- Le Conseil d'Etat, juge d’appel de droit commun des décisions des ministres et des Conseils de préfecture. De plus, Conseil d'Etat directement compétent en cas d’excès de pouvoir. Mais c’est du Chef de l’Etat qu’émane en droit la décision - justice retenue.
- L’érosion de la doctrine du ministre-juge : article 7 du décret du 2 novembre 1864 : décision implicite de rejet au bout de 4 mois ouvre droit à saisir le Conseil d'Etat directement ; décret impérial en Conseil des ministres si la décision du Chef de l’Etat, s’écarte de la proposition du Conseil d'Etat.
II. Le Conseil d'Etat, juridiction administrative depuis 1872
A. La juridiction administrative de "droit commun " avant 1953
1.Une juridiction rendue possible par la loi:
Les lois du 3 mars 1849 (article 6 : Le Conseil d'Etat statue en dernier ressort sur le contentieux administratif) et du 24 mai 1872 (article 9 : Le Conseil d'Etat statue souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative, et sur les demandes d'annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des diverses autorités administratives) ordonnance du 31 juillet 1945, et décret-loi du 30.09.1953 TA (ex conseils de préfecture de l’an VIII).
2. Une juridiction confirmée par la jurisprudence.
a. Le passage de la justice retenue à la justice déléguée : Conseil d'Etat, Cadot 13.12.1899
b. La reconnaissance d’un droit spécial : Tribunal des conflits , Blanco, 8.2.1873: inapplicabilité du Code civil.
B. La juridiction administrative suprême
1. Une compétence d’attribution
a. Juge du fond: premier et dernier ressort (Recours pour excès de pouvoir contre décrets et ordonnances actes réglementaires des ministres, décisions des organismes collégiaux à compétence nationale (COB par ex.), litiges individuels des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République, …et juge d’appel malgré loi du 31.12.1987 : élections municipales et cantonales et recours en appréciation de légalité (question préjudicielle posée par juge judiciaire); et les avis de l’article 12 de la loi de 1987
b. Juge de cassation : (juridictions ordinales; Cour des comptes, ...) et arrêts des CAA.
2. Une compétence constitutionnalisée (principes fondamentaux reconnus par les lois de la République)
a. Décision 80-119 DC, Validations d’actes législatifs, 22.07.80: indépendance
b. Décision 86-224 DC, Conseil de la concurrence, 23.01.87, Conseil constitutionnel: " figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle "
Bibliographie
Burdeau (François), Histoire du droit administratif, Thémis Droit public, PUF, 1995.
Chapus (René), Droit administratif général, Tome I, Montchrestien, 13ème éd. 1999.
Chapus (René), Droit du contentieux administratif, 7ème éd., 1998.
Weil (Prosper), Le droit administratif, Que sais-je ? n°1152, PUF, 1994.